Notre redaction d’une these reste plus que chronophage…
J’ai redecouvert recemment le texte suivant au cours de recherches sur Le concept d’autonomie, ainsi, il m’a semble interessant de le partager ici. Publie en 1784 dans la revue allemande Berlinische Monatsschrift, ce texte a lance une question fondamentale qui n’a cesse de tourmenter depuis nos plus grand philosophes. Comme le souligne Michel Foucault a propos de votre opus, « De Hegel a Horckheimer ou a Habermas, en passant avec Nietzsche ou Max Weber, il n’y a guere de philosophie qui, en direct ou indirectement, n’ait ete confrontee a votre meme question : quel est donc cet evenement qu’on appelle l’Aufklarung et qui a determine, Afin de une part bien, ce que nous sommes, ce que nous pensons cela que nous faisons aujourd’hui ? » (Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumieres« , Dits et ecrits, 1994). Ce propos devra etre rapproche de maniere limite intime du Discours d’une servitude volontaire redige en 1549 via le petit Etienne une Boetie (aussi qu’il n’avait que 18 ans). La ou cet auteur se demandait comment « il se pourra faire que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois votre tyran seul, qui n’a puissance que celle qu’ils lui donnent ; qui n’a pouvoir de leur nuire, sinon qu’ils ont pouvoir de l’endurer ; qui ne saurait un faire en gali?re aucun, sinon lorsqu’ils aiment mieux le souffrir que lui contredire […]. Appellerons-nous i§a lachete ? dirons-nous que ceux qui servent soient couards et recrus ? » ; Kant lui repond que guyspy « La paresse et la lachete paraissent les causes qui font qu’une si grande partie des hommes, apres avoir ete depuis longtemps affranchis par la nature de toute direction etrangere (naturaliter majorennes), restent volontiers mineurs toute leur vie, et qu’il est si facile aux autres de s’eriger en tuteurs« . Au detour d’une phrase, on apercoit le Kant machiste qui ne parait voir au « beau sexe bien entier » qu’une masse qui ne souhaite nullement se liberer, par paresse, de sa minorite. Bonne lecture dans la totalite des cas…
Emmanuel Kant, « Qu’est-ce que des Lumieres ? », Elements metaphysiques d’la doctrine du droit, 1853, pp. 281-288 ( Texte complet sur Wikimedia)
Mes lumieres sont ce qui fait bouger l’homme de la minorite qu’il devra s’imputer a lui-meme. La minorite consiste dans l’incapacite ou Il semble de se servir de son intelligence sans etre dirige via autrui. Il devra s’imputer a lui-memecette minorite, quand elle n’a jamais Afin de cause le manque d’intelligence, mais l’absence une resolution et du courage necessaires pour user de le esprit sans etre guide via un autre. Sapere aude, aie le courage de te servir de tapropre intelligence ! voila donc la devise des lumieres.
J’ai paresse et la lachete paraissent des causes qui font qu’une si grande partie des hommes, apres avoir ete avec longtemps affranchis par la nature de toute direction etrangere (naturaliter majorennes), restent volontiers mineurs toute leur life, et qu’il reste si facile aux autres de s’eriger en tuteurs. Il semble si commode d’etre mineur ! J’ai votre livre qui possi?de de l’esprit pour moi, un directeur qui a en conscience pour moi, un medecin qui juge me concernant du regime qui me convient, etc. ; pourquoi me donnerais-je en peine ? Je n’ai inutile de affirmer, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront i mon sens de une telle ennuyeuse occupation. Que la plus grande part des hommes (et avec eux le beau sexe bien entier) tiennent Afin de complexe, meme pour tres-dangereux, le passage d’la minorite a la majorite ; c’est a quoi visent avant bien ces tuteurs qui se paraissent charges avec tant de bonte une haute surveillance de leurs semblables. Apres les avoir d’abord abetis en les traitant comme des animaux domestiques, et avoir pris toutes leurs precautions afin que ces paisibles creatures ne puissent tenter un seul gui?re hors d’une charrette ou ils nos tiennent enfermes, ils leur montrent ensuite le danger qui les menace, s’ils essayent de marcher seuls. Or ce danger n’est gui?re vraisemblablement aussi grand qu’ils veulent bien le dire, car, au prix de divers chutes, on finirait bien via apprendre a marcher ; mais un exemple de ce type rend timide et degoute ordinairement de toute tentative ulterieure.
Il va i?tre donc complexe pour chaque individu en particulier de bosser a bouger une minorite qui lui est presque devenue une seconde nature. Cela en est meme arrive a l’aimer, ainsi, provisoirement Il semble tout a fait incapable de recourir i sa propre intelligence, parce qu’on ne lui permet jamais d’en faire l’essai. Mes regles et les formules, ces instruments mecaniques de l’usage rationnel, ou plutot de l’abus de nos facultes naturelles, sont des fers qui nous retiennent au sein d’ une eternelle minorite. Qui parviendrait a s’en debarrasser, ne franchirait encore que d’un saut en gali?re assure des fosses des plus etroits, car il n’est gui?re accoutume a d’aussi libres mouvements. Aussi n’arrive-t-il qu’a bien peu d’hommes de s’affranchir de leur minorite avec le travail de leur propre esprit, pour marcher ensuite d’un jamais sur.
